04 Oct Les avantages de la mixité en santé
(article aussi publié dans Le Soleil du samedi 2 octobre 2010 et sur Cyberpresse)
Depuis plus de dix ans, le gouvernement du Québec tente d’améliorer l’accès et la qualité des soins de santé, mais les résultats tardent à venir. L’une, sinon la principale cause de cette inertie tient à la situation de monopole dont bénéficie le gouvernement, seul fournisseur de soins de santé au Québec. Une situation de monopole n’est jamais à l’avantage du consommateur car même s’il est insatisfait, il n’a aucune alternative vers laquelle se retourner. De même en est-il pour les médecins: toute tentative de leur part pour trouver une autre façon d’offrir leurs services est prestement dénoncée, comme l’illustre le reportage à l’émission La facture, à Radio-Canada (21 septembre 2010).
Cette absence de concurrence au chapitre de la qualité des soins se traduit indéniablement par un laisser-aller global, qui produit des résultats désastreux, à savoir listes d’attente qui s’allongent, accès au médecin de famille très difficile, etc. L’une des solutions à ces problèmes réside dans la mixité de la pratique, c’est-à-dire permettre aux médecins d’offrir des soins, tant dans le système public que dans le secteur privé. Comme vous le savez, il est possible d’envoyer ses enfants à l’école privée, si on juge que l’éducation y est de meilleure qualité, et ce, même si nous finançons le système public d’éducation par nos taxes et impôts. Qui plus est, les écoles privées bénéficient d’un financement de la part de l’État et peu de gens remettent en question cette façon de faire. Pourquoi ce choix est-il socialement acceptable en éducation et pas en santé, alors que ces deux missions constituent les deux grandes priorités gouvernementales ?
Autre paradoxe: vous pouvez payer pour obtenir rapidement un TACO ou une IRM au privé et en refiler les frais à votre assureur, tout comme les analyses de laboratoire privées, les consultations en physiothérapie, chiropratique, massothérapie, etc. Vous pouvez aussi obtenir des soins en médecine dentaire qui, eux aussi, seront couverts par votre assureur, mais pas en ce qui a trait aux frais de consultation avec un médecin. Deux poids, deux mesures! Pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même en santé? Simplement parce que le gouvernement veut conserver cette situation de monopole qu’il est le seul à contrôler. Pour le père de l’assurance-maladie, Claude Castonguay, les avantages de la mixité publique/privée sautent aux yeux et cela permettrait un apport qui pourrait compenser à court terme certaines lacunes du système public.
Le vrai débat n’est pas celui de la médecine à deux vitesses, l’une pour les riches, l’autre pour les moins favorisés, mais celui de l’accessibilité aux soins de santé pour tous. Et la vraie question est: pourquoi un service fourni par une entité privée ne pourrait-il pas être assumé au moins en partie par l’État? Au fond, peu importe que le fournisseur de service soit privé ou public, en autant que l’assureur-payeur demeure public.
La mixité est une solution tout à fait accessible et réalisable. On ne peut plus attendre de former d’autres médecins puisque ce processus prend plusieurs années. Il nous faut créer de nouvelles structures plus performantes, qui pourront rapidement répondre aux besoins croissants en santé de notre population vieillissante. Avec la mixité, nous pourrons faire plus avec les mêmes ressources. Plusieurs pays d’Europe utilisent ce concept de mixité à grande échelle, avec des résultats très performants. L’État continuera de baliser et de réglementer le réseau de la santé, mais nous avons tous avantage à favoriser la mixité, car il en va de la pérennité de notre système de santé.
Dr Marc Lacroix, Québec